samedi 1 mars 2014

ZOOM sur... Vous avez dit fantasy ?

Zoom aurait pu écrire un article tout ce qu’il y a de plus classique pour vous expliquer ce qu’est la fantasy. Zoom aurait pu vous expliquer pourquoi ce genre plaît tant aux jeunes. Zoom vous aurait dit également…  Mais voilà qu’on a vu débarquer dans nos bureaux THE spécialiste de la fantasy. Bilbo himself. Alors, sagement assis autour de lui, nous l’avons écouté nous raconter l’histoire.



« Si je suis venu jusqu’à vous, c’est pour vous parler d’un monde, le mien. Vous pourriez le trouver très différent du vôtre, et pourtant… Je n’ai jamais aimé beaucoup parler. Je préfère l’action aux mots. En cela, je ne diffère pas des autres héros. Pour vous expliquer ce qu’est la fantasy, peut-être faut-il accepter la définition d’Elisabeth Vonarburg (1) pour qui «un héros se lance ou est forcé de se lancer dans un voyage, une aventure, une quête, aidé et/ou combattu par des êtres surnaturels. La quête se double en général d’un combat entre le bien et le mal. En fantasy, comme dans le mythe et le conte de fées, on trouve toujours cette structure présente au premier degré ». Jacques Goimard (2) ajoute que le terme de fantasy « désigne à l’origine l’imagination créatrice - la faculté de rêver- ou l’imagination libre de toute contrainte ».

Moi, je suis né de l’imagination de J.R.R. Tolkien en 1937 (je sais, je ne fais pas mon âge...) bien avant la parution du « Seigneur des anneaux » (1954). Mais on pourrait faire remonter les origines de la fantasy bien plus loin encore. Il y en a même pour voir dans la Bible les premiers éléments fondateurs du genre ! Peut-être est-il plus raisonnable de penser que les auteurs contemporains ont puisé et puisent encore dans l’imagination d’œuvres telles que l’Odyssée (Grèce), Gilgamesh (Mésopotamie), les édas (sagas nordiques) ou, plus proches de nous, la légende arthurienne (Bretagne) et les chansons de geste (romans de chevalerie). Ces contes ne sont pas eux-mêmes de la fantasy mais lui fournissent une de ses principales sources d’inspiration. En fait, ce genre naît à la fin du 19ème siècle sous le règne de la reine Victoria. En parallèle d’une littérature réaliste utilisée par des auteurs tel que  Dickens, se développe une influence merveilleuse et mythique qui s’inscrit dans la tradition anglaise. La fantasy moderne est alors née sous la plume d’auteurs comme William Morris, Lord Dunsany ou même Lewis Carroll. Il faut attendre le 20ème siècle pour que ce genre touche un public plus vaste, poussé par la publication de pulps (romans populaires à épisodes édités sur du papier bon marché) dans tous les genres des littératures de l’imaginaire. La fantasy prend alors toute sa place, d’abord au Royaume-Uni puis aux Etats-Unis et enfin en France dans les années 1970. Vous le voyez, mon père n’a pas été le créateur du genre, il a surtout été celui qui l’a réinventé en reprenant des éléments de la mythologie et en créant l’archétype du roman médiéval fantastique.


 L’appel de l’aventure pour arracher le héros à son existence, la quête comme voyage aux multiples étapes et la découverte de mondes enchantés, tels sont les éléments de base de la fantasy. Mais c’est aussi la rencontre avec des créatures imaginaires et merveilleuses. Moi par exemple, je suis un hobbit mais je côtoie des dragons, des gobelins, des orcs, des elfes, des sorcières ou des géants. La fantasy n’est pas un genre figé aux contours définis par des règles strictes. Néanmoins, une distinction existe, reconnue par la plupart, entre la high fantasy dont l’histoire se déroule dans un monde imaginaire    (« L'Assassin royal » de Robin Hobb) et la low fantasy dans laquelle le monde imaginaire communique avec votre monde (« Harry Potter » de J.K. Rowling). De nombreux sous-genres cohabitent (heroic fantasy, humo-ristique, dark, arthurienne, urbaine…) qui se renouvellent sans cesse mais dont les frontières  fondamen-talement ouvertes s’inter-pénètrent, créant un gigantesque fourre-tout.


Il n’y a pas que la littérature pour s’intéresser aux mondes de la fantasy. Plusieurs  supports créatifs se sont appropriés le genre. Tout d’abord la bande dessinée avec « Little Nemo », dès le début du 20ème siècle, « Prince Vaillant » (1937) ou « Johan et Pirlouit » de Peyo dans les années 50. Suivront de nombreuses séries devenues des classiques comme « Thorgal » (Van Hamme et Rosinski), « La Quête de l’oiseau du temps » (Loisel et Le Tendre), « Lanfeust de Troy » (Arleston) ou la série « Donjons » (Sfar et Trondheim). Le cinéma a produit, bien avant « Le Seigneur des anneaux», des chefs-d’œuvre du genre : « Le Magicien d’Oz » (Fleming, 1939), « Conan le barbare » (Milius, 1981) ou   « Willow » (Howard, 1988). Je peux également vous parler de musique (Pink Floyd, King Crimson), de jeux vidéo (World of Warcraft), de jeux de rôle (Donjons et dragons), de cartes (Magic), de figurines (Warhammer). Vous le voyez la liste est longue. D’un monde à l’autre, la fantasy crée ses propres règles, tout en nuances. C’est pourquoi je chante en boucle le refrain de ma chanson : « La route se poursuit sans fin ». »

(1) Romancière française vivant au Québec, auteur de science-fiction récompensée par de nombreux prix, et traductrice d’ouvrages de fantasy.
(2) "Critique du merveilleux et de la fantasy" (Paris, Pocket « Agora », 2003)

Pascale Ohana
Responsable du fonds "Littératures de l'imaginaire" à la Médiathèque

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire