mardi 17 avril 2018

Pour vous, c'est quoi Mai 68 ?

Quelque soit la génération, ces événements ont marqué les esprits. Nous avons recueillis des témoignages de jeunes et de moins jeunes afin de confronter le ressenti de chacun.


"À la maison, je n’avais pas le droit de regarder la télévision. C’est ma sœur, étudiante au Quartier Latin qui m’a informé du début des événements. Mes parents étaient un peu inquiets. Pour moi, jeune homme de 15 ans, ce fut d’abord de l’effroi puis une révélation au monde. Je découvris alors Paris et Saint-Germain-des Près. 
Mai 68, c’est l’ébranlement de l’autorité traditionnelle, la fin du discours des parents et des professeurs et de la blouse obligatoire au lycée. Le concept de discipline s’en trouve bouleversé. C’est aussi la libération de la femme avec les débuts du MLF et les débats sur la contraception et la sexualité.
Mai 68, avant tout un espace de liberté !"
Emmanuel, 65 ans

"C’est un mouvement social marquant, en faveur de l’égalité, de la prospérité économique (avec la lutte contre le chômage, l'augmentation des salaires) et de la libéralisation sexuelle."
Juliette, 23 ans

"Je ne peux m’empêcher de penser à Auteuil Neuilly Passy, chanson des Inconnus. Pour moi, c’est une révolution de jeunes issus de milieux favo-risés, une révolution de riches ! Tout a démarré à la Sorbonne…"
Alexandre, 18 ans 

"Une citation de Cohn-Bendit me paraît correctement résumer cette étrange parenthèse.  En 1998, il déclare au Monde de l'Éducation : « Il y a trente ans, j'ai incarné en France ce qu'on appelait en Allemagne « die antiautoritäre Bewegung » : le mouvement anti-autoritaire. Parmi tous ceux qui se disaient révolutionnaires à l'époque, nous étions peu à nous réclamer du courant libertaire et nous avions à nous démarquer de tous les groupuscules léninistes d'obédience trotskiste ou maoïste. Et pourtant c'est bien ce souffle libertaire qui a traversé la France en mai 1968 et touché tous les milieux, et les avant-gardes autoproclamées. Les grands partis politiques furent un moment, comme les psychanalystes, mis au chômage technique. Ils retrouveront tous leur clientèle dans les jours tristes de l'après-mai... »"
Victor, 65 ans

"Les CRS dans la rue et les engueulades dans la famille."
Hervé, 55 ans

Nous vivions en Tunisie à ce moment-là. Ça a été la « non-présence » et la radio qui faisait peur.  « Heureusement, on y était pas. ».
Danielle, 75 ans



À ce moment-là, j’étais en seconde au lycée Paul Langevin à Suresnes, j’étais en cours de maths quand un lycéen a fait irruption dans la classe en tapant avec une chaîne sur le bureau du professeur. Il criait en sommant la professeure d’arrêter ses cours et invitait les élèves à se rendre à « l'AG » (Assemblée Générale) organisée dans la cour. La professeure n'a pas perdu son sang-froid et a rangé son cartable en ajoutant sans perdre son calme : « nous sommes obligés d'interrompre ce cours, je ne sais pas quand nous nous reverrons ! » Je n’ai pas de bons souvenirs de cette période. Ma mère a notamment été obligée de se rendre au lycée pour parlementer avec les CRS. Il s’agissait de les dissuader de « charger » les étudiants contestataires qui avaient pris le proviseur du lycée en otage. Ceux qui ont apprécié cette période sont ceux qui n'ont plus eu de cours jusqu'à  la fin de l'année. Il y a aussi les élèves de terminale qui ont eu le bac sans trop de difficulté.
Christian, 60 ans

"Pour moi, c’est « Sous les pavés, la plage » et Cohn-Bendit."
Elisabeth, 50 ans

"C’est l’avancée des féministes et la présence massive des étudiants."
Michaela, 28 ans

"La fermeture de la maison de couture Balenciaga ! C'était pour le couturier Critobal Balanciaga  la fin d'une époque et d'un style de vie."
Hélène, 30 ans

"C’est avant tout, mon entrée en 6ème. Je deviens grande ! Lorsque le mois de mai arrive, c’est subitement une explosion de liberté. Les professeurs sont à Nanterre avec les « grands ».  On rassemble plusieurs classes et on dessine, on « joue », on discute de ce qui se passe… On nous demande notre avis ! Comme si c’était important ! On apprend le sens de certains mots : révolution, communisme, Staline, libre expression, gaullisme... On a le droit de dire des « gros mots » : chienlit, sexe, morale, politique. Dans la rue, tout le monde se parle, les uns aspirent à la paix, les autres s’insurgent contre l’autoritarisme. Le pays est paralysé, plus d’essence, plus de métro, les palissades et les pavés à Paris… Les parents sont déstabilisés ! Mon père accepte même d’acheter une télé en noir et blanc (ça suffira !) Il faut se tenir au courant… Vu de loin, du haut de mes onze ans, c’est la fête et rien ne sera plus comme avant !" 
Mario, 59 ans

"Liberté et autonomie, pour moi c’est ça Mai 68. Des groupes de discussions qui refaisaient le monde…"
Bernard, 52 ans 

"Un mouvement populaire de libération où les gens se défont des chaînes de l’autorité idéologique, politique, religieuse et parentale."
Camille, 40 ans

"Cet événement de l'histoire représente à mes yeux la première prise de parole de la jeunesse française. Cette mini-révolution (principalement parisienne) était nécessaire. Il fallait que rupture se fasse avec un système aux codes trop stricts, qui ne convenait pas à la nouvelle génération. Mai 68 est une référence incontournable pour les jeunes qui rêvent de faire avancer les choses. Même si les conséquences de ce phénomène social n'ont pas été à la hauteur de ses attentes, Mai 68 porte un espoir, celui qu'en s'unissant, on peut faire évoluer les mœurs d'une société."

Anna, 20 ans

"Les étudiants se sont révoltés pour avoir plus de liberté… Grèves, violence… Tout a commencé à Paris X Nanterre."
Clarisse, 15 ans

"Un souvenir… Pas d’école pendant au moins un mois. Et beaucoup de temps passé à jouer aux petites voitures."
Walter, 62 ans

"Mai 68. L’image qui m’apparait à l’évocation de Mai 68 est en noir et blanc. Un mélange nébuleux de captations d’archives de l’INA, d’interviews d’étudiants fumeurs de Gauloises, d’extraits de films plus ou moins fidèles et de micros-trottoirs aux accents parisiens. Plus qu’une image figée dans un nuancier de gris, ce sont les valeurs portées par la contestation d’alors qui sont quelques peu surannées. On parle toujours aujourd’hui, à raison, de Mai 68 comme d’une révolution culturelle, comme du moment de l’émancipation mais on occulte souvent les travers de cette période. Si nous héritons de la culture littéraire, musicale et artistique foisonnante de l’époque, de Foucault, des Stones, de Dutronc ou encore Godard ; nous héritons, aussi, d’une vision trop individualiste de la société, d’une libération des moeurs qui atteint ses limites aux portes du XXIème siècle." 
Raphael, 28 ans

"C’est une émulation collective sur une idée de liberté que se sont appropriés différents corps sociaux - anarchistes, situationnistes, trotskiques, maoïstes - en réaction au gouvernement gaulliste et à la société traditionnelle."
Antoine, 19 ans

"C’est un paradis perdu dans la fumée des fumigènes. Ce sont des chaussures oubliées sur les pavés…"
Franck, 53 ans

"En 1968, j’avais 15 ans. Je n’étais plus un enfant, mais à peine un adolescent. Je fréquentais le lycée de Nanterre. Dès le mois de mai, le corps professoral jusque-là plutôt inaccessible et sûr de son autorité s’est ouvert tout d’un coup au dialogue. « L’avant » semblait avoir disparu à tout jamais. Plus de « Mouche ton nez et dis bonjour à la dame », plus de « Bonjour qui ? Bonjour mon chien », « En rang par deux, je ne veux voir qu’une tête » Tout cela s’était évanoui. On pouvait mettre des jeans, oublier les tenues « correctes » et même avoir les cheveux longs (un rêve inaccessible un mois avant). Les plus grands ont obtenu le droit de fumer dans la cour et dans le foyer (une pièce qu’on venait de leur accorder). Je me souviens des rues sans voiture, sans transport en commun, beaucoup de vélos et déjà la sensation de vacances. J’ai du mal à situer les événements dans un ordre chronologique, certaines choses ont pu avoir lieu plus tard à la rentrée de 68-69. Je m’efforce de rester dans l’état d’esprit qui était le mien, celui d’un môme surtout heureux de ne pas avoir cours et de vivre des vacances prolongées."
Armand, 65 ans


Au regard de tous ces témoignages, Mai 68 véhicule des images, des idées, des espoirs, des foules, des regrets, des mythes, des poésies, des chansons, des réunions, des erreurs, des ironies, des critiques, des peurs, des personnalités, des slogans, des revendications ...

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